Parler le jeu vidéo : Le ludème comme unité minimale d’une grammaire vidéoludique ?
Bibliography
Hansen, Damien. 2023. Parler le jeu vidéo : Le ludème comme unité minimale d’une grammaire vidéoludique ? Parler le jeu vidéo : Le ludème comme unité minimale d’une grammaire vidéoludique ? Culture contemporaine. Liège: Presses universitaires de Liège. https://books.openedition.org/pulg/18941.
Abstract
L’idée d’un langage ou d’une grammaire spécifiques au médium vidéoludique est une problématique qui refait ponctuellement surface, rassemblant des préoccupations propres aux études sur le jeu vidéo et sur le jeu en général, à la conception et aux game studies. Cet ouvrage montre qu’il s’agit d’une discussion riche, qui rejoue dans ses différentes approches des thématiques plus larges, notamment entre ludologie et narratologie, entre études du game ou études du play. S’inspirant de ces discussions, l’ouvrage entend d’abord dresser un inventaire et une typologie des approches proposées, ainsi que des critiques qui ont pu leur être opposées, mais aussi actualiser dans un second temps cette thématique au regard de théories plus récentes dans le champ des études du jeu, de la linguistique et de la sémiotique. Par l’intermédiaire du concept de ludème, dont l’évolution particulière symbolise pleinement la problématique dans son ensemble, la réflexion menée montrera finalement qu’il est possible de réarticuler celle-ci sur différents niveaux d’analyses, pour y concilier les différents aspects de la conception et du jouer, et qu’elle peut également être repensée pour apporter un nouvel éclairage sur des questions d’expérience de jeu, de gameplay émergent ou encore de détournement.
Notes
Annotations
Chapitre premier : un intérêt pour la formalisation du jeu hérité du structuralisme
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Celui-ci s’est également vu attribuer divers sens, renvoyant tour à tour aux règles du jeu (Borvo 1977), aux actions du joueur (Bojin 2010), aux stratégies déployées (Haffner 2005) ou encore à un niveau supérieur englobant ces trois composantes (Koster 2005 ; Bura 2006), où il revêt alors un sens proche de celui exprimé par le concept des briques de gameplay (Alvarez 2007 ; Djaouti 2011).
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Pour ce faire, Propp tente d’en déceler la plus petite unité constitutive, dont il se sert de base pour construire son analyse (Propp 1968, p. 19). Il s’attelle ainsi à réduire l’ensemble des textes de son corpus jusqu’à atteindre une série de 31 « fonctions », qu’il considère comme les unités minimales du conte et qui, selon lui, permettent de générer chacune des productions individuelles de ce genre (Propp 1968, p. 64).
Propp’s morphologie works like an algorithm
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*À titre d’exemple, il est possible de schématiser la trame du jeu Super Mario Bros. (Nintendo 1985) à l’aide du modèle proppien, ce qui donne pour résultat :
Fig. 2
Schéma proppien du jeu Super Mario Bros.*
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Dans celui-ci, Lévi-Strauss (1974) établit notamment le lien avec la linguistique, arguant qu’il est impossible d’étudier la syntaxe sans tenir compte du lexique, faute de quoi l’entreprise ne servirait qu’à produire une grammaire sans vie, un lexique anecdotique et deux systèmes stériles
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systématique des liens entre conception du jeu et réponses du joueur
translation
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*Hiérarchisation des systèmes sémiotiques ludiques.
« The Semiotics of Time Structure in Ludic Space » (Lindley 2005).*
interesting model, reminding me of Loris’ catabasis/layered model. there is even a layer for code
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‘l’étude des formes du jeu vidéo, des structures dans lesquelles elles interviennent ainsi que des relations que ces parties entretiennent entre elles’.
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« [c]es briques […] sont à ce jour au nombre de dix et renvoient soit à des règles d’objectifs à atteindre pour le joueur (briques oranges), soit à des règles proposant au joueur des moyens pour atteindre ces objectifs (briques bleues) » (Alvarez 2018, p. 21). Fondamentalement, ces briques sont donc des actions — tout comme les fonctions de Propp —, qui définissent dans les grandes lignes l’objectif global du jeu ; les « challenges principaux » que le joueur doit relever
Alvarez is on the level of actions/verbs/mechanics
Chapitre 2 : des approches de déconstruction essentiellement centrées sur les règles et l’interaction
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d’une part, on peut rendre compte de tous les éléments qui le composent en listant simplement tous les noms inclus dans le système ; d’autre part, il est aussi possible de se le représenter en s’attachant aux verbes, c’est-à-dire aux différents processus qui le structurent
Crawford on verbs
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marquer les existants au moyen des noms et les actions au moyen des verbes
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Au cœur de ce modèle se trouvent les « atomes de choix5 », que les auteurs définissent comme « la plus petite unité à partir de laquelle sont construites des structures interactives plus larges » (Salen et Zimmerman 2004, p. 62–63).
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Ces actions, ou plutôt les règles qui définissent leur mise en œuvre, forment le noyau dur d’un système plus large que Salen et Zimmerman nomment « schémas primaires6 », et
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tous s’articulent et s’imbriquent autour du noyau contenant les « règles », auquel les auteurs ajoutent le schéma du « jeu » et le schéma de la « culture », à titre d’exemple (Salen et Zimmerman 2004, p. 102).
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*Fig. 9
Composantes analytiques du jeu.
Patterns in Game Design (Björk et Holopaien 2004, p. 8). Cengage Learning Inc. Reproduced by permission.*
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les composantes de base du jeu doivent pouvoir servir à rendre compte des éléments de second ordre, les « patrons de conception8 », qui constituent le point central de la théorie
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Le modèle obtenu est réalisé sur la base d’une session de jeu Super Mario Sunshine (Nintendo 2002) et distingue quatre niveaux rangés du plus large et du plus arbitraire au plus précis.
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Dans ce sens, Schmoll (2016) note que « [s]i le morphème désigne la plus petite unité de sens d’un mot, le phonème la plus petite unité sonore du langage, etc., alors le ludème caractérise la plus petite unité de gameplay ou encore élément ludique de base »
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*Fig. 15
Différentes acceptions des ludèmes et des « règles » du jeu*
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Malgré cela, force est de constater que le ludème est toujours centré sur un système de règles,
not true, Parlett mentions the existence of thematic ludemes, such as the figure of the knight in card games and chess
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Dans cette perspective, les mécaniques de jeu devraient fournir une description de l’interaction du joueur avec le jeu ainsi qu’une analyse plutôt formelle de l’objet au travers de ses objectifs, des stratégies possibles et des successions d’états de jeu.
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Chaque motifème se déclinerait ensuite en différents « motifs », qui expriment la mise en œuvre particulière du motifème, tandis que les « allomotifs » désigneraient l’ensemble des motifs pouvant apparaître dans un même contexte, à l’image des allophones et allomorphes (Bremond 1968, p. 149
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*Tableau II
Proposition de modélisation de la dynamique du jeu*
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Pour nommer ces éléments primaires, une solution apparaît à nouveau chez Pike (1967), qui utilise le terme kinème pour désigner des « actèmes non verbaux », autrement dit des unités d’action simples qui pourraient correspondre aux verbes de Crawford, aux atomes de choix de Salen et Zimerman ou encore aux éléments primaires de Cousins. Ces unités s’opposent ainsi aux actèmes verbaux que sont les phonèmes, mais aussi aux motifèmes que Pike met en lien avec leur équivalent verbal : le lexème (Pike 1967). Le motifème décrirait dès lors la structure profonde du jeu, le kinème la structure de surface. L’expression pourrait sembler farfelue, face à tant de formalisme, mais il est possible de la retrouver dans d’autres discours spécifiquement axés sur l’interaction joueur-machine, où le geste physique, l’input si cher à Salen et Zimmerman et à d’autres, mérite au jeu vidéo le nom de « langage kinésique » (Culot 2014).
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ludème, s’il constitue l’unité de base du jeu vidéo, doit donc lui aussi rendre compte de sa dimension plurisémiotique
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Et puisque le design de jeux ne vise pas la production de systèmes mécaniques stables et optimisés dans une visée instrumentale (comme le design industriel peut le faire) mais plutôt la création d’objets susceptibles d’engendrer à leur tour des expériences d’ordre esthétique (Bogost 2008), il est évident que les aspects narratifs (ou même plutôt proto-narratifs) d’un jeu déterminent, au moins partiellement, l’étendue de sa jouabilité, et qu’une théorie pragmatique des genres doit faire le pont avec la notion d’expérience esthétique.
fuck yeah!
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Pour cette raison, l’exploration morphologique du jeu vidéo devrait partir des éléments directement accessibles et manipulables par les concepteurs et les consommateurs, à savoir les instruments qui avaient été jusqu’à présent largement mis de côté.
Chapitre 3 : redéfinir le ludème
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Un élément plurisémiotique intervenant comme prise des joueurs et concepteurs sur le jeu
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Schéma de transmission du jeu.
goes backwards as well, developers are also players
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Nous pourrions également citer la traductologie, puisque ce sont des linguistes tels que Georges Mounin qui ont ardemment défendu l’idée d’une théorie unifiée de la traduction
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[le jeu] en tant qu’activité sémiotique — en tant qu’activité de construction de sens —
semiotic activity :eyes:
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. On peut de ce fait voir le jeu comme une série d’activités de recherche du sens
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sens est toujours attaché au signe isolé — au ludème tel que nous l’envisagerons dans cette section. La signification, en revanche, est toujours « articulée » : elle est nécessairement affectée à une unité en contexte
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Il se pose alors deux possibilités pour l’analyse de cette structure signifiante : une approche micro (signification), des plus petites unités vers les grandes, et une approche macro (signifiance), des plus grandes vers les plus petites (Groupe µ 1992, p. 47–49
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joueur ne regarde pas simplement une image, mais se retrouve immergé dans celle-ci, par l’intermédiaire d’un avatar qui lui permet d’interagir avec le système
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Cependant, nous ne parlerons plus de langage kinésique, esthétique ou acoustique, mais du ludème : l’unité minimale du jeu vidéo qui doit intégrer ces trois composantes afin de pouvoir fonctionner de manière autonome dans le jeu.
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Pour ce faire, il repart notamment de la marge d’incertitude placée par Jacques Henriot (1989) au cœur même des pratiques ludiques (p. 336). Selon l’auteur en effet, toute activité ludique, pour exister, doit nécessairement contenir une marge d’incertitude, une marge de contingence, ce qui le poussera à dire que « jouer, c’est toujours décider dans l’incertain » (Henriot 1989, p. 239
Henriot uncertainty as base for resonant relations
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Hurel décrit ainsi une unité pouvant être dissociée en trois composantes : une première, graphique, qui renvoie à la représentation numérique de l’objet ; une composante sonore, à savoir le bruit particulier associé à l’objet ; et une mécanique, régissant son utilité et son fonctionnement dans le jeu
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*Fig. 18
Le ludème chez Hurel.
« Le bloc-à-pousser chez un amateur de Zelda » (Hurel 2018*
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Le ludème.
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Pour aller plus loin encore : les ludèmes peuvent-ils être associés et former des syntagmes ? Il est en effet possible d’imaginer des constructions formées par un ensemble de ludèmes ou encore des combinaisons d’éléments qui aboutiraient à la création d’un nouveau type d’ennemi.
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Dans l’ensemble, ces questions et remarques à première vue anodines impliquent pour nous l’existence d’une syntaxe régissant l’agencement des ludèmes et leur organisation en motifs plus larges. Les ludèmes, tels des morphèmes formés d’unités plus petites, se combineraient ainsi pour former des ‘syntagmes’ et des ‘énoncés’ vidéoludiques, non pas librement, mais sous l’influence d’une certaine ‘grammaire’ qui dépendrait des mécanismes du jeu vidéo
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Qu’en est-il de l’avatar ? Celui-ci est, à l’évidence, une construction complexe, avec laquelle le joueur s’identifie, par l’intermédiaire duquel il s’incarne dans le jeu vidéo
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Un deuxième point soulevé par Sicart (2008) est que ces éléments formant la base du modèle doivent être mis en relation avec ceux qui cooccurrent dans le même environnement.
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Mais si nous avons défini le ludème comme l’unité minimale du médium vidéoludique, quelle serait l’unité supérieure faisant intervenir ces unités, comment pouvons-nous la définir et quel nom lui donner ?
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mais nous avons finalement opté pour séquence, qui souligne autant l’idée d’un arrangement que celle d’un processus cyclique
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Or, la grande majorité des éléments d’un jeu est connue à l’avance, car ils se retrouveront dans de nombreux titres (la plupart des joueurs pourront identifier un zombie, reconnaître un cœur de vie, tirer parti d’un baril explosif…) et les franchises peuvent jouer sur ce point pour introduire du contenu au fil du temps
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Rappelons que les signes ne prennent leur sens que par rapport à d’autres signes.
which indicates that early games had to have smaller sets of ludemes in order to make meaningful play experiences
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Dans les titres les plus modernes, cependant, on peut remarquer que la séquence s’agrandit pour accueillir un plus grand nombre et une plus grande diversité de ludèmes. Le principe reste néanmoins le même, mais indique une plus grande richesse du monde ludique par comparaison avec les jeux des années 1980 et 1990
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Nous dirons qu’elles s’organisent dans tous les cas sur des axes x, y ou x, z (pour les jeux en 2D) et x, y, z (pour les jeux en 3D).
where is time?
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Tout d’abord, nous avons posé le ludème comme base du système vidéoludique : un signe autonome et fonctionnel qui combine une série de propriétés mécaniques régissant son fonctionnement dans le jeu, ainsi que des propriétés graphiques et sonores permettant sa représentation dans l’univers ludique. Nous avons vu également qu’il était possible d’aborder ces ludèmes d’un point de vue paradigmatique, en les opposant sur le plan conceptuel (dans le cadre d’une approche taxonomique par exemple), mais aussi en s’intéressant à leurs propriétés combinatoires, c’est-à-dire en analysant leur configuration sur l’axe syntagmatique pour former des séquences. Ces séquences, d’autre part, constituent un élément de structure supérieur au ludème et peuvent varier d’un jeu à l’autre, mais elles représentent forcément une unité finie et cohérente au regard du gameplay, de la narration ou de la division concrète du jeu vidéo en zones de jeu
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Les distinctions ainsi opérées font dès lors apparaître un système doublement articulé qui livre une description simple et productive de son objet, et des unités concrètes et définies pour découper et ‘parler’ le jeu vidéo, comme le proposait Cousins (2004). La définition que donne Albinet (2010) des boucles de gameplay vient aussi appuyer ce besoin et peut d’ailleurs être mise en parallèle avec l’étude de Cousins (cf. Figure 32), puisque la boucle micro correspond aux éléments primaires, tandis que les boucles moyenne et macro se retrouvent respectivement dans les deuxièmes et troisièmes niveaux de Cousins.
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For games to really develop as a medium, they need to further develop the ludemes, not just the dressing.Raph Koster
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On ne peut en effet proposer un système tout à fait indépendamment de son destinateur et de son destinataire, puisqu’en « jeu vidéo, comme ailleurs, c’est au joueur de produire du jouer, un travail pour faire exister le jeu, qui ne saurait se ramener aux seules propriétés de l’objet » (Triclot 2013, par. 36).
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Pour le dire autrement, « le design d’un jeu est une coconstruction du joueur et du concepteur » (Bojin 2010, p. 30).
Generated at: 2025-01-07-11-18-33